Robyn Francis, la Permaculture... et Econtinuidad

Potager Educatif dans les hauteurs du Pérou

« Une alternative pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons » fut une des phrases que Robyn Francis – une des personnalités mondiales de la Permaculture – prononça il y a quelques jours, lors de la conférence qu’elle a donnée à Paris, en répondant à une question sur la spécificité de la Permaculture. Une voie – parmi d’autres – grâce à laquelle on peut avancer, en rompant avec certains paradigmes existants, si on veut offrir des exemples qui prouvent que la construction d’un autre monde est possible.

Avec son style particulier, suivant la trace d’autres figures exemplaires dans ce domaine qui sont passées par notre belle ville de Paris, l’Australienne a mis l’accent sur l’aspect du design cher aux permaculteurs, lors de la conception et réalisation d’une idée visant à relier autrement l’être humain avec la Nature. Les exemples de la ville de Portland aux Etats-Unis et de Nimbin, la ville où elle habite – située au sud-est de l’Australie – nous montrèrent que cette voie pour s’approcher, s’introduire et se relier autrement avec la Nature, était le chemin holistique.

Un chemin – en suivant la trace laissée par les mots du poète espagnol Machado – qui se fait au fur et à mesure qu’on y chemine en essayant d’avancer vers un horizon que de plus en plus de gens envisagent comme le vaste scénario où les êtres humains se relieront sur une base de respect de la vie, aussi bien entre eux qu’avec les autres espèces vivantes : une version du futur ennoblie de ce qu’on peut appeler la trame de la vie [1] . Autrement dit, la relation entre toutes les espèces vivantes au service – avant tout – de la vie pour la vie.  

Pour tous ceux qui, comme moi, ont décidé un jour d’avancer sur la voie des alternatives à l’impasse de civilisation à laquelle nous nous confrontons, la démarche de la Permaculture, explicitée par Robyn Francis à travers ses deux exemples et les concepts esquissés ce soir-là dans le cadre de son exposé, s’est révélée à plusieurs égards enrichissante. Cela au-delà du fait que nous empruntions ou non la méthodologie d’action propre à la Permaculture, où la séquence de la mise en place de tout projet a comme pivot la réalisation d’un design qui le synthétise harmonieusement et qui le rend possible, comment ne pas faire siens les principes éthiques sur lesquels repose la pratique de la Permaculture ? 

Douze années d’expérience sur le terrain principalement au Pérou – mais aussi en Espagne et en France – créant les « Biohuertos Educativos » (Potagers Educatifs), m’ont montré qu’à la base de l’autre monde que nous entrevoyons aujourd’hui, il y a toute une échelle éthique sous-jacente. « Earth care, Human care et Fair share » (prendre soin de la Terre, prendre soin des êtres humains et partager équitablement ce que la Terre nous donne) – devises éthiques propres à la Permaculture – doivent sans aucun doute constituer des piliers du monde nouveau, la nouvelle civilisation qui émergera comme conséquence des projets mis en place à l’échelle de la planète.  

Les cas mis en exergue par Robyn me confirment que la trentaine de « Biohuertos Educativos » mis en place par l’ONG Econtinuidad au Pérou depuis le début du nouveau millénaire a apporté une pierre de fondation dans la construction du monde de l’avenir. En tant que Nature en miniature facilement accessible à l’être humain, les Potagers Educatifs se présentent comme une étape intermédiaire dans l’édification d’une nouvelle relation avec la vaste Nature fondée sur une nouvelle éthique. Une échelle de valeurs où le respect pour la Terre et l’être humain, ainsi que l’aspiration à un partage juste, sont des éléments centraux de ce nouveau scénario où les êtres humains pourront réaliser la promesse d’une vie authentiquement humaine.

Les douze fonctions que nous avons repérées au sein de tout biojardin qui se veut éducatif, et dont la systématisation a été présentée sous la forme d’un livre [2] –  à savoir les fonctions relationnelle, de communication, pédagogique, cognitive, nutritionnelle, thérapeutique, artistique, créative, agroécologique, organisationnelle, éthique et culturelle –, tout en étant des voies pour s’approcher, redécouvrir et se relier d’une façon nouvelle et harmonieuse avec la vaste Nature, constituent aussi des chemins pour construire cette nouvelle éthique. Car on ne peut pas parler d’harmonie si le principe d’un nouveau contrat avec la Nature ne se fonde pas sur de nouveaux comportements relationnels. Voilà un pont entre la Permaculture et tous ceux qui agissent en faveur de la vie, parmi lesquels je me trouve.

Neuf jours se sont écoulés depuis que j’ai assisté à la conférence de Robyn Francis et je ne voulais pas laisser passer plus de temps sans partager avec vous ces quelques lignes qui expriment mes sentiments, mes convictions et mon engagement dans la tâche qui consiste à construire un nouveau paradigme : à travers des exemples qui prouvent que le temps de la concrétisation de l’idée d’un monde où nous puissions « forger ensemble une relation harmonieuse avec la Nature [3] » est enfin arrivé.

Sophie Dmitrieff, le 5 septembre 2012

www.econtinuidad.fr

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[1] Allusion au titre du livre de Fritjof Capra, « The Web of Life », publié en 1996.

[2] Publié en espagnol sous le titre “Los Biohuertos Educativos : Una historia de amor entre el ser humano y la naturaleza”, il est en cours de traduction en français et fut présenté dans la ville de Cusco-Pérou, le 10 décembre 2010.

[3] Devise d’Econtinuidad